Jean-Olivier Dinand : \"Un Créateur à votre Service\"

Jean-Olivier Dinand : \

Mais, qui est donc GEORGES WAKHEVITCH ?

Mais, qui est donc GEORGES WAKHEVITCH ?

 

Monsieur JOURDAIN faisait de la prose sans le savoir. Et vous...? Oui tous, vous connaissez Georges WAKHEVITCH... sans le savoir !

 

Qui d'entre nous ne se souvient des Visiteurs de Soir, de l'Eternel Retour, des Enfants du Paradis, de la Grande Illusion, du Mystère de la Chambre Jaune, de la Folie des Grandeurs. Du Cid, de Roméo et Juliette, Carmen ou du Barbier de Séville.

Qui n'a regretté de ne pouvoir assister à la projection de Rencontre avec des Hommes Remarquables de Peter BROOK ?

 

De 1930 à 1984, Georges WAKHEVITCH a travaillé avec presque tous les grands metteurs en scène, pour les plus grands écrivains et les plus grands acteurs (Laurence OLIVIER, ARLETTI, Alice SAPRITCH, Louis de FUNES, BELMONDO, Jean MARAIS, FERNANDEL...)

 

J'ai connu, dès ma prime jeunesse, des hommes remarquables qui m'ont beaucoup appris et m'ont beaucoup donné. Jean RENOIR et Marcel L'HERBIER, Abel GANCE et Jean COCTEAU, Christian BERARD et Joseph KESSEL ⁄et, encore, Paul CLAUDEL ou Jacques PREVERT, Louis DUCREUX et Peter BROOK, et tant de gens illustres devenus mes amis et dont j'ai bénéficié de l'expérience tout au long de ma vie. (Discours à l'Académie).

 

Pour eux, pour nous, Georges WAKHEVITCH a crée ce qu'il appelle "ses châteaux en Espagne" que sont les décors de théâtre, d'opéra et de cinéma : ...ils apportent aux hommes une vision des "mondes inconnus" qui les aide à oublier la grisaille des jours qui passent, faisant rêver aux choses inaccessibles. (Discours à l'Académie)

 

Mais qui est donc Georges WAKHEVITCH ?

 

Ce nom -WAKHEVITCH- est issu de WAKH, le dieu de la vigne, le Bacchus des Scythes, à la fois forgeron et orfévre, le seul magicien parmi d'autres dieux de la steppe pas très malins (Discours à l'Académie).

 

Ce créateur est né en 1907, à Odessa, en Ukraine (dans le Cuirassé Potemkine, Eisenstein nous a laissé d'Odessa l'image éternelle et géniale d'un landau dévalant cet immense escalier plongeant vers la mer.)

 

Fuyant la Révolution de 1917, Georges WAKHEVITCH arrive, en 1921, à Marseille avec sa mère et sa soeur pour retrouver son père, ingénieur naval, dont ils étaient séparés depuis deux ans...

Ce que l'enfant a vécu, l'homme Georges WAKHEVITCH ne l'oubliera jamais, il sera marqué au "fer rouge" par un massacre au sabre, comme il le raconte dans son livre (L'Envers des Décors).

 

La famille s'installe en Provence, et c'est là que Georges commence à peindre. Elève au collège de Manosque, il apprend notre langue, en lisant ... les Trois Mousquetaires.

 

Georges WAKHEVITCH est un Slave, amoureux de la Méditerranée : Odessa n'est-elle pas un port sur la Mer Noire ?.. Et on n'y parle même pas le Russe !.. la grand-mère de Georges WAKHEVITCH est Crétoise ! Toutes les références du peintre sur "l'au-delà" se traduisent par des images grecques. Il aime la Provence, où il a vécu deux ans; il aime son soleil, ses effluves d'huile d'olive et d'ail; au cours du tournage du film King Lear, Jeanne WAKHEVITCH n'a-t-elle pas réussi a lui mitonner, dans les déserts neigeux du nord Danemark, des petits plats qui lui rappellent ces saveurs !

Lorsque la famille s'installe à Paris-Montparnasse, Georges WAKHEVITCH, peint à la "Grande Chaumière" et fait de la figuration aux studios de Billancourt, à l'Odéon et à la Comédie Française : il entre ainsi dans le monde enchanté du cinéma et du théâtre. Au contact des architectes Jean LAFFITTE et Jacques COUELLE, au contact de peintres comme Edwin SCOTT et Pavel TCHELISCHEFF, il s'initie à l'art du décor. Il complètera cette formation à l'Ecole des Arts Décoratifs…

 

Ainsi débute cette vie passionnée et passionnante de création artistique dont, seule, la mort interrompra la prodigieuse ascension.

 

Elle commence aux studios de la Victorine, à Nice avec Baroud ou les hommes bleus, se continue à Billancourt, à Aix-en-Provence, à Marseille, (ROUSSIN, DUCREUX, La compagnie du Rideau Gris), à Paris, à Londres... dans le monde entier : San Francisco, New-York, Rio de Janeiro, Rome, Genève, Salzbourg… Lorsqu'il nous a quittés, Georges WAKHEVITCH préparait encore les décors de trois œuvres dont le Cid, présenté à Rouen, au Théâtre des Arts en 1984. Travailleur infatigable, jusqu'à son dernier souffle, jusqu'à la fin de sa vie, il aura déployé un talent sans cesse renouvelé au service du cinéma, du théâtre et de l'opéra.

 

Lorsque nous contemplons l'œuvre de Georges WAKHEVITCH, nous sommes frappés par sa richesse, sa densité, sa variété :

 

il a réalisé les décors de quelques cent quarante films, deux cent opéras, trois cent pièces de théâtre. Quelles que soient les difficultés qui se sont présentées, il a su inventer sur le champ la solution miracle qui tirait tout le monde d'affaire. (Pour n'en citer que quelques-unes : des vitraux en sucròe fin et coloré; des machineries réalisées à la hâte pour des plateaux tournants; certains décors coupés à la scie, dans la rue, au dernier moment, pour permettre l'entrée à l'intérieur du théâtre...) : l'artiste alors cédait le pas à l'artisan ingénieux... Ce génie inventif crée "un autre monde" : dans l'Eternel Retour, la maison de pêcheur où gisent les deux fiancés se transforme devant les yeux des témoins en une cathédrale irréelle, flottant dans un cirque de montagnes, dans un brouillard immatériel... Le rêve et le réel, s'enchevêtrent…

Tout en faisant preuve d'imagination créatrice et d'efficience, Georges WAKHEVITCH reste d'une grande simplicité.

 

J'ai connu des poètes, des écrivains, des penseurs, des peintres, des sculpteurs, de grands architectes, des maçons, des menuisiers, tous amoureux de leur métier. C'est Da COSTA, un humble ouvrier portugais, qui m'apprit à dessiner un escalier, de telle sorte qu'on ne tombe pas en montant les marches... Le maçon italien PICCA m'a fait tenir ma première truelle. Et je me suis enrichi de la connaissance humaine qui est la seule richesse vraie, précieuse comme une part de pain. (L'Envers des Décors).

 

Toute rencontre avec la beauté lui procure une émotion rare, et la beauté, pour lui, est pure et paisible.

Je donnerai toutes les tours Montparnasse du monde contre la plus modeste chapelle romane égarée dans la douce campagne beauceronne. (L'Envers des Décors).

 

Personnage discret, Georges WAKHEVITCH, lorsqu'il se souvient, n'évoque guère le colossal effort qui fut le sien : l'œuvre seule compte !.. et il en parle avec amour...

 

Après cinquante ans d'activité, Georges WAKHEVITCH nous laisse une œuvre très riche, dans laquelle s'affirment la continuité et la diversité de la recherche et de la création, la qualité et l'unité du âstyle et de l'écriture personnelle.

 

Restant toujours lui-même, Georges WAKHEVITCH a toujours su s'adapter aux situations, aux personnes (COCTEAU était toujours sur scène, RENOIR chaque matin préparait le travail de la journée, Rex INGRAM quant a lui, éxigeait des maquettes pour chaque scène...) aux lieux, aux œuvres, s'enrichissant toujours à leur contact, capable de créer en toutes circonstances.

 

Regardant mourir le jour dans sa splendeur écarlate et contemplant la Seine, accoudé au parapet du Pont des Arts, non loin du chevalet de Georges WAKHEVITCH, Anatole FRANCE nous dit :

 

l'artiste doit aimer la vie et nous montrer qu'elle est belle; sans lui, nous en douterions.

 

Ce Georges WAKHEVITCH, que vous connaissiez sans le savoir, je n'ai cherché qu'à vous le faire aimer, comme je me suis prise à l'aimer en le découvrant pas à pas, à travers sa vie et son œuvre.

 

Véronique CHAUCHAT
MAIS, QUI EST DONC GEORGES WAKHEVITCH ?



16/04/2013
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